La prosopopée

Publié le par Frederic Jett H.

Je suis la pipe d'un auteur ;
On voit, à contempler ma mine,
D’Abyssinienne ou de Cafrine,
Que mon maître est un grand fumeur.

Charles de Baudelaire, La Pipe

Salut,

Désolé pour cet énorme écart entre ce billet et le dernier. En ce moment je suis un peu pris avec les examens de fin d'année et l'écriture de mes textes. Mais ne vous inquiétez pas, je ne laisserai pas ces prétextes me lasser dans la publication de ce blog.

Donc aujourd'hui nous nous retrouvons pour un article dont le sujet est dévoilé dans le titre: la prosopopée.

Ce n'est pas un mot courant. Et la prosopopée elle-même n'est pas la plus courante des figures de style. Et oui c'est une figure de style.

En bref, c'est une figure de rhétorique grâce à laquelle un auteur fait agir ou prête la parole à une personne morte ou absente, un animal, des êtres inanimés ou encore des abstractions.

Figure de rhétorique par laquelle l'auteur prête la parole à un absent ou à un être inanimé.

Dictionnaire Larousse

Ce procédé ressemble à beaucoup d'autres, dont la personnification. Et inconsciemment ils sont couramment confondus. Alors comment les différencier?

Alors que la prosopopée fait parler un être animé ou inanimé comme vu ci-dessus, la personnification attribue simplement des sentiments ou comportements humains à ce même objet concret ou abstrait.

•Action de représenter une abstraction.
•Être, personne qui représente une idée, une qualité.

Dictionnaire Larousse

Et pour finir cet article, je vous propose un texte de Rousseau: La prosopopée de Fabricius, dont vous avez sûrement déjà entendu parler. La citation au début de la page est aussi un exemple simple de prosopopée.

Si l'un d'entre vous souhaite émettre un commentaire élaboré sur un texte (les miens y compris), un de mes articles, etc, je suis prêt à le publier ici. Il suffit de vous rendre dans la page "Contact". Et n'oubliez pas de vous abonner par email pour être notifié de toutes les mises à jour.

Jean-Jacques Rousseau

Jean-Jacques Rousseau

Socrate avait commencé dans Athènes; le vieux Caton continua dans Rome de se déchaîner contre ces Grecs artificieux et subtils qui séduisaient la vertu et amollissaient le courage de ses concitoyens. Mais les sciences, les arts et la dialectique prévalurent encore : Rome se remplit de philosophes et d'orateurs; on négligea la discipline militaire, on méprisa l'agriculture, on embrassa des sectes et l'on oublia la patrie. Aux noms sacrés de liberté, de désintéressement, d'obéissance aux lois, succédèrent les noms d'Epicure, de Zénon, d'Arcésilas. "Depuis que les savants ont commencé à paraître parmi nous, disaient leurs propres philosophes, les gens de bien se sont éclipsés". Jusqu'alors les Romains s'étaient contentés de pratiquer la vertu; tout fut perdu quand ils commencèrent à l'étudier.

O Fabricius! qu'eût pensé votre grande âme, si pour votre malheur rappelé à la vie, vous eussiez vu la face pompeuse de cette Rome sauvée par votre bras et que votre nom respectable avait plus illustrée que toutes ses conquêtes ? "Dieux! eussiez-vous dit, que sont devenus ces toits de chaume et ces foyers rustiques qu'habitaient jadis la modération et la vertu ? Quelle splendeur funeste a succédé à la simplicité romaine ? Quel est ce langage étranger ? Quelles sont ces mœurs efféminées ? Que signifient ces statues, ces tableaux, ces édifices ? Insensés, qu'avez-vous fait ? Vous les maîtres des nations, vous vous êtes rendus les esclaves des hommes frivoles que vous avez vaincus ? Ce sont des rhéteurs qui vous gouvernent ? C'est pour enrichir des architectes, des peintres, des statuaires, et des histrions, que vous avez arrosé de votre sang la Grèce et l'Asie ? Les dépouilles de Carthage sont la proie d'un joueur de flûte ? Romains, hâtez-vous de renverser ces amphithéâtres; brisez ces marbres; brûlez ces tableaux; chassez ces esclaves qui vous subjuguent, et dont les funestes arts vous corrompent. Que d'autres mains s'illustrent par de vains talents; le seul talent digne de Rome est celui de conquérir le monde et d'y faire régner la vertu. Quand Cynéas prit notre Sénat pour une assemblée de rois, il ne fut ébloui ni par une pompe vaine, ni par une élégance recherchée. Il n'y entendit point cette éloquence frivole, l'étude et le charme des hommes futiles. Que vit donc Cynéas de si majestueux ? O citoyens ! Il vit un spectacle que ne donneront jamais vos richesses ni tous vos arts; le plus beau spectacle qui ait jamais paru sous le ciel, l'assemblée de deux cents hommes vertueux, dignes de commander à Rome et de gouverner la terre". [...]

Ce n'est point en vain que j'évoquais les mânes de Fabricius; et qu'ai-je fait dire à ce grand homme, que je n'eusse pu mettre dans la bouche de Louis XII ou de Henri IV ? Parmi nous, il est vrai, Socrate n'eût point bu la ciguë; mais il eût bu, dans une coupe encore plus amère, la raillerie insultante, et le mépris pire cent fois que la mort.

Jean-Jacques Rousseau, Discours sur les arts et les sciences 1ère partie

Votre fidèle et dévoue,

Frederic Jett

Publié dans Notions littéraires

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